Julia Genechesi, Carine Raemy Tournelle - La monnaie, une expression du pouvoir entre intégration et indépendance

A l’aube et au crépuscule de l’Empire, les puissances locales s’affirment en images des Alpes au Jura


Fenêtre ouverte sur le passé, les monnaies sont perçues comme des fils conducteurs, des passerelles jetées à travers l’Histoire. Mobiles, elles circulent entre toutes les mains et touchent ainsi tous les milieux sociaux. Les images monétaires sont étroitement liées à la conception des représentations d’une époque. Toutefois, le répertoire iconographique est aussi l’expression d’une autorité émettrice, dont le message politique, économique ou religieux nous échappe souvent ; une autorité qui fait représenter sur ses monnaies et en série les images qu’elle souhaite diffuser.
 
En Suisse occidentale, au Ier siècle av. J.-C., les monnayages celtiques illustrent des jeux d’influence avec Rome. Comment les élites gauloises se définissent-elles dans ce nouvel échiquier du pouvoir et sous quelles formes figurent-elles ces liens sur leurs monnaies ? Après la conquête césarienne, une forte augmentation des types monétaires semble traduire à la fois une multiplication des pouvoirs émetteurs et un accroissement de la masse monétaire en circulation. Ce phénomène peut s’expliquer par la nécessité pour les aristocrates d’affirmer ou de réaffirmer leur pouvoir. Rome parvient dans les décennies suivantes à apposer la marque de l’Empire. L’unification de la monnaie nous empêche aujourd’hui d’appréhender dans le détail la structuration du pouvoir à l’échelle locale. L’effondrement du système monétaire, la fiscalité oppressante nécessaire au maintien des légions et l’inflation galopante sont considérées comme les principales raisons du déclin et de la chute de l’Empire romain d’Occident. Au crépuscule du 5e siècle et dans la première moitié du 6e siècle, les souverains se libèrent de la tutelle impériale romaine et les émissions se multiplient : rois, villes, abbayes et puissants propriétaires frappent des monnaies d’or et d’argent. Par conséquent, du droit de propriété semble découler le droit de battre monnaie, non légalement, mais dans les faits.
 
Pendant ces périodes de transition, comment la monnaie illustre-t-elle cette volonté des élites de s’intégrer ou de se démarquer du pouvoir en place ?